Des immeubles plantés, des villes vertes, jardins collectifs et potagers tous azimuts… La nature en ville est partout, sur toutes les lèvres, toutes les images, dans tous les discours officiels.
Et pourtant, quelle part de budget, mais aussi d’écoute, de poids de décision dans les projets la nature a-t-elle dans projets publics et privés ?
Nature en ville : une distorsion entre le poids financier et le poids des mots
Aujourd’hui encore, les budgets dévolus aux espaces paysagers, à l’agriculture urbaine sont largement minoritaires. Bien sûr, les coûts sont moindres que pour une construction a priori, moins de main d’oeuvre, de matériaux. Mais, combien de fois avons-nous vu le paysage, l’aménagement de la nature passer au second plan ?
Des tours entièrement végétalisées sont conçues sans paysagiste, et faire sa place dans la conception reste ardu. Alors même qu’elles sont vendues comme des îlots de nature, l’avenir de la nature en ville dans certains esprits.
Quelle générosité d’espace et de moyens est donnée à la nature, qui embellit, assainit, nous nourrit parfois ?
Des créateurs d’hôtels achètent un lieu des millions. Ils consacrent un budget conséquent à la décoration. Et pourtant, ils restent frileux pour aménager 2, 10 Ha d’espaces paysagers. Les moyens viennent alors à manquer pour des espaces plus vastes, pérennes et qui fournissent le restaurant sur site.
Des particuliers seront réticents à l’idée de dépenser pour leur jardin ce qu’ils peuvent mettre pour un beau meuble, un canapé, ou l’aménagement d’une salle de bains.
Les jardins collectifs emplissent des vides, plébiscités. Ils assurent le lien social et surtout ne coûtent pas grand chose. Pourquoi ? Non parce qu’il n’y a pas de besoin, ils sont nombreux. Mais parce que nous décidons d’y mettre peu de moyen.
Les budgets dévolus à l’innovation et l’expérimentation pour créer des espaces productifs, régénérateurs de la nature en ville sont minimes à côté d’autres sujets telles que les mobilités ou les innovations technologiques.
Des permaculteurs, écologues, paysagistes, associations proposent des prix bas, mettant en péril leur pérennité économique, afin de rentrer dans les budgets, par conviction, ou par peur aussi parfois.
Repenser la valeur économique comme engagement
Mon objectif n’est pas de raviver des clivages entre innovations technologiques et écologiques, ou encore paysagistes et architectes. Ces clivages n’ont à mes yeux aucun sens. Le problème, et donc la solution, ne sont pas là.
Les prix et les budgets, la valeur économique ne répondent pas uniquement à une logique de coût. Et alors, planter et prendre soin, pérenniser des espaces de nature demandent des connaissances et une expertise pointue, en écho avec la complexité de la mise en place, l’évolution et la pérennisation d’écosystèmes riches. Comprendre et prendre soin demandent une attention importante pour avoir des résultats significatifs et nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir.
Bien sûr, les moyens financiers sont limités, bien que la masse monétaire circulant dans le monde donne le vertige.
La valeur économique reflète la valeur symbolique, culturelle, profonde que nous associons au produit ou service vendu. Elle résulte de la perception des financeurs et des concepteurs.
La valeur économique engage et implique, postures nécessaires dans la prise de décision liées à la concurrence sur les sols, les usages, les transformations de nos perceptions et la réécriture de nos valeurs et notre système commun, que posent la nature en ville.
Elle est le reflet de la priorité mise, de son inscription dans la réalité, au-delà des mots.
Une évolution est en cours, et le changement culturel et de vision est une transformation de longue haleine.
Nous avons cependant une responsabilité. Prenons soin de la valeur que nous donnons à la connaissance, l’inscription et la pérennisation de la nature dans toutes ses formes dans la ville. Créons un milieu urbain riche.
Osons alors débattre et parler des prix, réhabilitons les discussions sur les modèles économiques et les budgets associés, financeurs, concepteurs, institutionnels, citoyens.
La valeur économique n’est pas un blasphème, ni une magie ou le résultat de calculs lointains qui nous échappent, elle est la concrétisation de nos choix et priorités.