Lors d’une promenade au Jardin des Plantes à Nantes, je m’interrogeais sur la justesse d’ouvrir le jardin sur la gare. Je comprends les perméabilité visuelles et la porosité de la ville, la fluidité et la mobilité entre ses différents lieux. Je suis conceptrice urbaine, je défends moi même souvent ces fondamentaux.
Et pourtant, voyant les murs et haies disparaître, je me questionne.
Un jardin n’est pas un espace public comme un autre. Il représente un monde idéal et imaginaire. Ses concepteurs-rices transcrivent au fil du temps une relation utopique entre l’humain et la nature dans la matière.
Or se plonger dans cet imaginaire nécessite une intériorité.
Tout d’abord, parce que la clôture facilite sa lecture, sa compréhension, telle la limite de la toile ou le cadre du tableau. Créer un monde idéal, c’est créer un ailleurs dont le mur et la porte, marquent sa frontière et donc son existence.
Mais aussi, parce que vivre un monde imaginaire demande de la confiance et de la sécurité, que le mur crée.
Pourquoi vouloir rendre tout facile d’accès, visible, traversable ?
Une belle illustration de jungle telle que l’on en trouve aujourd’hui est accessible à tous, compréhensible et appréhendable au premier coup d’oeil. Mais elle ne vous plongera pas dans la jungle imaginaire du Douanier Rousseau dont elle s’inspire tant. Les peintures du Douanier Rousseau sont intuitives et ne demandent aucune connaissance d’histoire de l’art pour y être sensible, mais elles ont une intériorité et une profondeur.
J’y vois un parallèle, certes étrange, avec les espaces publics et les jardins.
Je retrouve ce désir d’ouverture et de partage entre tous, systématique, dans les espaces communs en création. Nous nous faisons le devoir d’être des lieux de partage, ouverts à tous et tout de suite. La chasse à l’entre-soi est ouverte.
Cependant, créer un commun implique de concevoir de nouvelles formes de vivre-ensemble, une utopie, une expérimentation, un monde idéal donc. L’entre-soi est une étape nécessaire pour se sentir en sécurité et transformer ensemble nos croyances, nos mythes et notre rapport à l’autre. C’est une étape obligatoire dans la construction d’un nous, d’un collectif et donc d’une dynamique de groupe.
Que ce nouveau système humain en création, ce collectif garde des portes ouvertes, généreuses, pour créer des synergies et passerelles avec l’extérieur et les autres est le plus important.
Alors laissons quelques murs en place, tant qu’ils sont percés de portes qui peuvent s’ouvrir à tout instant.
photo : Photo by Jan Tinneberg on Unsplash